Récemment, j'ai reçu une mauvaise nouvelle. Un club que je conseille a fait appel à un autre architecte pour rénover son parcours. Je travaille pour ce club depuis plus de 15 ans et j'avais déjà entrepris une rénovation complète, redonnant au parcours l'apparence et la jouabilité du design original des années 1920. Mon équipe a consacré beaucoup de temps à la recherche et à l'élaboration d'une documentation complète, depuis les premières réflexions du club jusqu'à la conception finale, avec l'impression d'avoir tout fait correctement.

On me dit que les nouveaux travaux qui y ont été réalisés ont considérablement modifié le caractère du parcours et ne tiennent même pas compte de son histoire architecturale. Quand on entend ce genre de choses, on a froid dans le dos et je n'ai pas pu dormir pendant plusieurs nuits. Quand on a mis autant de soi-même - et des moyens du club - dans la transformation d'un terrain de golf, on a l'impression que c'est son propre bébé.

Malheureusement, le travail d'architecte-conseil peut être très incertain. Les travaux de rénovation reposent généralement sur des accords informels, et non sur des obligations contractuelles. J'ai rencontré certains de mes amis les plus proches alors qu'ils siégeaient dans des conseils d'administration ou des comités; mais un jour, vous vous présentez dans un club et vous vous rendez compte que vous avez deux ou trois surintendants ou directeurs  de plus qu'au début. Les gens qui m'aimaient ne sont plus là et ne sont peut-être même plus en vie. Les comités de recrutement ont changé et sont sans doute plus attirés par l'idée de travailler avec quelqu'un d'autre.

C'est probablement ce qui s'est passé avec le club en question, même si je n'en suis pas sûr, parce qu'ils ne m'ont pas informé de leur intention de passer à autre chose. C'est difficile à gérer après une si longue période commune, mais ça arrive, et je gère un peu mieux ce genre de choses qu'avant.

Même si j'ai l'impression d'avoir été poignardé dans le dos, je ne peux pas en vouloir à l'autre architecte d'avoir accepté la mission. Le club a dû s'adresser à lui, comme les clubs s'adressent souvent à moi. Est-ce que j'appelle mes collègues pour les informer que je suis le nouveau ? Pas une seule fois. Depuis le temps que je fais ce travail, un seul architecte m'a appelé pour me dire qu'un club où je travaillais l'avait embauché. En fin de compte, c'est le club qui est responsable, et il devrait avoir la gentillesse d'informer son ancien conseiller lorsqu'il passe à quelqu'un d'autre.

Toutefois, si cet architecte savait que le club voulait modifier un design historique et restauré, j'aurais souhaité qu'il respecte suffisamment le lieu et l'histoire pour ne pas accepter la commande. D'un autre côté, le club aurait alors simplement trouvé un autre architecte pour le faire.

Il est gratifiant d'être étroitement associé à un club, surtout s'il a une histoire intéressante ou importante. J'ai été à la fois honoré et humilié de travailler sur des sites qui ont été marqués par Donald Ross, A.W. Tillinghast et Seth Raynor, et les meilleures situations sont celles où l'on peut aider ces clubs à retrouver la splendeur de leur architecture d'origine.

Le problème, c'est que les gens veulent toujours imprimer leur marque sur un terrain de golf, qu'il s'agisse d'un conseiller ou d'un membre du comité du club. Si l'on peut transformer les parcours de Ross, Raynor et Tilly, on peut aussi revoir mes rénovations. Et il se trouvera toujours un architecte prêt à le faire. Le succès que j'ai eu dans ce métier est dû au fait que quelqu'un a bricolé un terrain de golf et que quelqu'un d'autre a voulu le récupérer. Et après moi, quelqu'un viendra gagner sa vie en recollant les morceaux comme il l'entend. C'est le business dans lequel nous sommes engagés.